Hier
je suis allée seule voir le spectacle de Jean-René Lemoine sur Médée.
C’était
beau. Seul en scène dans une sorte d’oratorio, il dit son propre son texte immobile
ou presque, avec des lumières subtiles sur lui, de Dominique Bruguière qui fait apparaître le féminin en lui, une femme un peu âgée même
parfois. Son visage fin et beau est celui d'une femme, son corps musclé, athlétique, celui d'un homme. Son
costume, savament étudié : pantalon de smoking, chaussures vernis et plates
je crois, et en haut, une sorte de drapé qui pourrait ressembler à un drapé
romain ou ancien, ou encore au costume d’un spectacle de cabaret, mais aussi et
surtout, contribuant à faire du volume sur son torse et ainsi, sans artifice, à le
féminiser sans jamais le travestir. C’était cela qui était beau et subtil,
cette féministation sans travestissement.
Jean-René
Lemoine dit le texte, son propre texte, avec une grande douceur, une grande
sensualité presque indolente, ce qui donne au personnage de Médée une force d’acceptation de son destin, d’acceptation de ses meurtres, puissante et inquiétante. Nulle hystérie,
nul regret, tout est assumé. Son immense amour et désir de Jason, accepté comme
une évidence contre lequel elle ne se révolte jamais. Il y a une immense force
dans ce personnage, mise en relief aussi par un moment de sauvagerie intense, de
rébellion, d’invectives contre la société et le peuple, crié soudain par cette exilée,
déracinée, crié soudain par Jean-René Lemoine, invectivant la salle comme si celle-ci était la force normalisatrice, castratrice de désir, la « majorité
normée » au regard de laquelle Médée sera toujours une paria, une
étrangère.
Moment
saisissant et qui donne à toute l’interprétation de l’acteur un relief
incroyable : la lave en fusion qui bouillonne dans cette bouche douce qui
accepte avec puissance et adhésion complète, son destin.
L’exil
et la solitude de Médée sont aussi dans l’ambiguïté de genre de l’acteur, se
situant sur la pointe des pieds, à l’intersection du masculin et du féminin,
passant de l’un à l’autre avec grâce, délicatesse, étant aussi haïtien "mi blanc, mi noir"... tout est dans le "In Between"....
La
représensation d’un mythe féminin puissant et ancestral
est aussi tout à fait là : une femme ne vivant que pour, dans les yeux d’un
autre (Jason), mais assumant cela avec une force, une cruauté et une fierté tranquille et
immense.
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