jeudi 12 février 2015


Sentimental Absorption
Voici un extrait du 2ème chapitre (en travail bien sûr) 


        "La main de Christopher rentre dans la poche de son pantalon et saisit une petite boîte de nacre. Le moment est venu. Négligeant son repas, il se lève et descend le petit escalier qui mène aux toilettes. Il ouvre la boite et prend délicatement une pincée de poudre jaune qu’il dépose dans la paume de sa main. Puis d’un geste brusque, comme une étreinte, il plaque sa main contre son nez et aspire de toutes ses forces. La poudre jaune passe directement de son nez à son cerveau, éparpillant sa poussière à l’intérieur de tous ses neurones.  Une lumière blanche envahit sa tête, une lumière aveuglante qui laisse la place à l’image précise d’un jeune homme, un jeune homme aux dreadlocks et à la bouche sensuelle. Celui-ci lui sourit, s’approche au plus près de ses yeux, comme pour caresser son regard,  puis s’éloigne doucement, comme si il se laissait aller dans un puit, avec, sur le visage, l’expression d’un parfait apaisement. Christopher est tout entier là, dans cette vision, aux aguets. Il sait que si il reste présent, il va voir ce qu’il cherche toujours dans cette poudre jaune, ce qui le fait défaillir et qui ne dure qu’une fraction d’instant : juste avant la disparition du jeune homme, celui-ci va rejoindre un kaléidoscope d’autres corps, d’autres jeunes hommes aux visages angéliques. Ce kadéïloscope forme un cercle dans lequel, miraculeusement, il reste toujours une place de libre, un triangle sombre où le nouveau venu vient se glisser comme si c’était sa place de toute éternité.
Parfois, Christopher est tellement ébloui par la lumière aveuglante qu’il perd conscience, qu’il part ailleurs et alors il rate ce moment et se retrouve, quelques secondes plus tard, seul et terriblement malheureux. Mais pas ce soir. Ce soir il est là, complètement. Et il jouit de la vision de ces beaux et jeunes garçons souriants, heureux, qui tournent sur eux-mêmes comme sur un manège, d’abord lentement puis de plus en plus vite, jusqu’à l’affolement, jusqu’au brouillage de leur image, jusqu’à ce qu’ils ne deviennent qu’un seul et même corps. Ce mouvement de rotation intense à l’intérieur du cerveau de Christopher lui donne de telles sensations de vertiges que souvent il tombe. Et là justement, aujourd’hui, seul dans les toilettes du Carré Nord, il s’affaisse, sa tête heurtant la cuvette des toilettes, sa main serrée sur son trésor : la petite boîte de nacre."

dimanche 1 février 2015


Sentimental Absorption

Pendant un an, j'ai travaillé à l'écriture d'un synopsis développé, pour un film, un long métrage, qui verra peut-être le jour un jour, intitulé "Sentimental Absorption".
Ce synopsis, d'environ 60 pages, est une matière. Mes mains posées sur cette matière, il y a quelques temps, je l'ai entendu me parler. Et comme dans un acte chamanique, une énergie est passée de mes mains à mon coeur, à ma tête. 
La matière est multiforme, la matière est mutante, cyborg aussi. Elle appelle à plusieurs formes, elle appelle à se greffer à d'autres organismes pour changer d'aspect, se métamorphoser, changer de corps.
Cinéma peut-être un jour, si mon travail arrive à traverser les réticences, les peurs institutionnelles, j'allais dire leurs conventions.
Ecriture à partir de maintenant. Car l'écriture ne dépend que de moi. Et c'est ainsi, en ne dépendant que de moi, que quelque chose  se libère et fait, et agit

Voici un extrait.
Il y en aura d'autres.
Ce blog accompagnera de temps en temps, l'écriture de ce texte.


           "Jonathan se redresse, tenant toujours la main de Gabriel dans la sienne. Il sent quelque chose, il ne sait pas quoi, il sent… de la vie, de la vie au milieu des morts. Un froid le traverse, un courant d’air froid, venant de nulle part.  Jonathan regarde intensément Gabriel mais il ne voit rien. Il ne voit pas que quelque chose remue dans son corps. Que quelque chose tente de sortir, par le ventre, de son corps mort. Personne ne le voit. Personne ne voit que la chemise, l’uniforme de collégien de Gabriel se boursouffle, que des fendillements, puis des fissures apparaissent sur la peau de son ventre qui se craquelle, s’effrite, dévoilant des organes et du sang. De la dépouille de Gabriel s’extrait péniblement un pied, un genou, puis un buste, une tête, un corps entier enfin, nu. C’est un corps très robuste, grand, puissant. Bien plus grand que celui dont il vient. Et pourtant, pour sortir de ce corps d’adolescent, il doit rassembler toutes ses forces, il doit se battre avec la matière :  quelque chose d’invisible voudrait le retenir là, dans ces viscères, dans ces os, dans ces membranes sans vies. Il s’arrache à la dépouille dans un ultime geste et se dresse enfin.
L’homme est une anticipation parfaite de ce que pourrait devenir Gabriel dans vingt ou trente ans. Il est Gabriel. Il s’élève au-dessus du sol, vertical, parfaitement droit. Il vole presque vers le fond de la chapelle. Dans le sol de pierre, au fond du bâtiment, attachée à un gros anneau de fer, il y a une épaisse corde en chanvre. A peine l’a-t-il touchée qu’elle semble prendre vie. A la manière d’un gros serpent, elle s’enroule autour de son poignet et elle tire sur l’anneau, le déboîtant du sol. Un petit escalier de pierre, abrupt, apparaît, éclairé par de petites lanternes. La corde doucement entraîne l’homme qui descend.
Atteignant la dernière marche, il pose son pied sur un liquide blanc, épais et visqueux. La plante de ses pieds, en contact avec cette matière douce, glisse comme sur de la glace. Et, entrainé par la corde, il se laisse faire, il se laisse emmener jusqu’à une petite chambre dans laquelle un enfant d’une dizaine d’années est allongé, nu, sur un lit, avec des bougies autour de lui, comme pour une veillée mortuaire. Cet enfant a les yeux fixes et immensément ouverts. Il est étrangement figé dans une immense inspiration : son torse est très haut, empli d’air, ses poumons, gonflés à bloc.
L’homme s’approche de lui lentement. Il n’ose pas le toucher. Sa peau ne semble pas réelle. Elle est translucide, Ses veines, apparentes, irradient au travers, donnant à son corps une couleur bleue pâle.
Il avance sa main vers l’enfant, doucement. Il touche une peau froide, douce, comme recouverte d’une couche de vernis, ou de glace.
Cette peau ne pourrait être ni pincée, ni griffée, elle se briserait en de multiples petits éclats, comme du cristal.
La corde le tire encore, l’arrache à l’enfant et l’emmène au bout de la pièce, elle suit le liquide blanc qui mène à un second escalier, se déversant par flot dedans, plus dense, plus épais.
Résistant à la pression de la corde, il descend lentement l’escalier, marche à marche et s’enfonce, au fur et à mesure, dans une obscurité profonde, trouée seulement par le sol blanc. 
Arrivé en bas, la corde se déroule, de son poignet, glisse à terre, se perd dans le liquide blanc, disparaît.
L’homme touche un mur.  Celui-ci est recouvert d’un tissu rêche, rembourré comme celui d’un matelas. La pièce est si petite qu’il en fait le tour en quelques pas.
Au centre de la pièce trône un objet imposant, une sorte de statue dont il ne perçoit que la masse. Il avance sa main dans le noir. Il sent, au bout de ses doigts, un contact doux, de la douceur d’une peau de pêche. La peau est glacée. Il voudrait la pincer mais il ne peut pas, elle est complètement rigide. Il a tout de suite identifié que ce qu’il touchait n’était pas vivant. Il lève sa main, palpe plus haut. Il sent des épaules, les bras sont coupés… Il touche des pectoraux, des têtons, il descend sa main, il sent des abdominaux bien dessinés, un nombril, il descend encore, une bosse en guise de pénis, les jambes sont coupées. Il remonte un peu sa main : entre les têtons et le nombril, il croit sentir quelque chose, comme une longue coupure, une fente en plein milieu de ce qu’il peut appeler un torse. Il la retrouve. La peau semble avoir été coupée net, fendue en deux. Il touche la fente. Dans l’obscurité, il se fie à la sensation au bout de ses doigts. Il a les pieds dans le liquide blanc, qui est devenu glacé, comme une sorte de neige filandreuse et sa main parcourt la fente, ses doigts poussent dedans, appuient sur la matière qui, étrangement, se laisse faire, s’ouvre, et sa main s’engouffre dans un trou dont il ne connaît pas les contours. Il bouge la main dans le vide, il enfonce son avant bras, puis son bras. Au bout de ses doigts, il sent quelque chose, un liquide encore, gluant mais chaud, tellement agréable. Il le fait glisser dans sa paume et ce liquide envahit sa main de chaleur.
Il soulève un pied et lentement lui fait traverser la fente. Et il enfonce sa jambe, atteignant bientôt, encore, au bout de ses doigts de pied,  ce liquide sensuel et magique. En équilibre sur une seule jambe, il enlace, d’un bras, la masse statuaire. Celle ci est si lourde qu’elle ne bouge pas d’un pouce et il peut se laisser aller complètement contre elle, contre cette peau artificielle, douce et froide. Il reste un instant ainsi, un pied, une main dedans, au chaud, et le reste du corps dehors, froid, collé à la statue.
Puis il poursuit son exploration. Il prend appui, avec son pied, à l’intérieur de la statue. Et il se soulève. Il soulève ses fessiers, il décolle son pied du sol.
Je pourrais rentrer à l’intérieur. Je pense que je pourrais. Il faut juste que je me plie.
Il plie la tête, il recroqueville ses épaules, il perce la fente avec son crâne. La peau s’ouvre, la peau l’accueille, sans résistance. Il pénètre dans l’antre par le côté, par l’épaule, lentement, : l’épaule, la tête, le buste… Ah, si il pouvait être plus petit…
Il recroqueville encore ses épaules. Il pousse. Il se rend compte alors que le liquide chaud n’est pas uniquement au fond du trou mais sur toutes les parois, réchauffant son crâne, son épaule, la peau de son bras au fur et à mesure qu’il se serre pour pouvoir caser son corps encombrant dans l’antre."

mardi 9 septembre 2014


Il sortit un soir de sa tanière. Il avait une tanière dans chaque ville. C’était une pièce, la même partout, sans électricité et sans confort. Il ne se lavait  pas. Il ne mangeait pas. Et quand il était affamé, quand il puait tellement que les gens l’évitaient, il prenait une chambre d’hôtel, il se lavait, il mangeait alors durant quelques jours et puis il changeait d’endroit.
Il vécut ainsi jusqu’à un âge avancé.
Il était toujours seul.
Son odeur finissait par lasser, même les gens qui s’attachaient à lui.
Il n’aimait pas qu’on s’attache à lui.
Il l’acceptait avec une relative indifférence.
Il acceptait des gens à ses côtés pour peu qu’ils ne fassent pas trop de bruit, qu’ils ne perturbent pas l’intérieur de son silence.
Il n’a jamais rejoint personne, nulle part. Il n’est allé que là où ses pas le conduisaient. Pour l’instant ses pas ne se sont jamais mis dans ceux d’un autre, dans aucune empreinte, connue ou inconnue. Il a toujours marché dans une forme de désert, sur une forme de bitume qui ne marque aucun pas, aucune marche, aucune voute plantaire ou semelle de chaussures. Il marche au soleil levant. Pendant un temps indéterminé mais qui n’excède pas la nuit. La nuit il se couche. Il dort d’un sommeil lourd et sans rêve et le matin, lorsqu’il se réveille, il perd encore plus de ce qu’il a perdu la veille, concernant ce qu’il sait, ce qu’il savait, concernant son histoire ou son nom ou son âge ou ce qu’il a vécu avant. Il passe sa vie à oublier sa vie. Passe sa vie à oublier ce qu’il a fait la veille, l’heure qui suit. Viendra un temps où la minute même d’avant, la seconde même d’avant, sera oubliée. Il attend ce moment. Temps sans temps, perpétuelle renaissance, perpétuelle agonie, ces temps seront ramassés en un seul instant illuminant, peu importe ce qu’il fait, ce qu’il fera, ce qu’il a fait, cet instant sera unique et répétitif à la fois, constamment réinventé, constamment célébré, constamment, avec éblouissement tué aussi. Et routinier.
Ce moment n’est pas encore venu. Il le sait. Mais il sait déjà que quand il sera là, il ne le saura pas. Il l’aura oublié. Il sera passé alors de l’autre côté.

samedi 2 août 2014

" Il nous faut faire connaissance avec nous-mêmes, avec notre corps, avec notre psychisme, avec la démarche de notre pensée. Habituellement nous dressons un "opposé" au conditionnement qui nous choque. Coléreux, nous nous efforçons de devenir paisible, nous engageant ainsi dans un autre conditionnement. Ou bien encore nous avons recours à diverses évasions. Avec de tels procédés, nous sommes contraints de parcourir éternellement le même cercle vicieux. Il ne nous reste donc plus qu'une attitude de pure observation qui nous permettra de connaître notre terrain, de saisir sur le vif les activités de notre corps, de notre psychisme, les démarches de notre pensée, nos motivations. Dans une première phase, l'observateur éprouve quelques difficultés à être impersonnel, sans choix, il dynamise l'objet, il s'en rend complice. Puis vient un moment où s'installe entre l'observateur et l'objet une zone neutre, et les deux pôles perdent leur charge. L'observateur est silence et immobilité, l'objet conditionné n'est plus alimenté".
                                                                                                             Jean Klein "être"

 

mardi 8 juillet 2014


C’est comment quand on passe de l’autre côté ? 
Il y a une ligne sur laquelle j’aimerais me tenir. 
Et cette année est la création d’un geste, celui d’embrasser. 
Une espèce de début d’interprétation globale, d’embrassement global. De ma vie. Avec son début et sa fin. Pour la première fois.
J’embrasse ma vie avec sa part d’inconnu certes mais une, une avec peut-être, ces prochains mois, un autre geste de réajustement. Je pense qu’on peut faire ce geste jusqu’à la fin. 
Il n’y a pas de limites aux gestes si ce n’est la mort.

lundi 9 juin 2014



Cela me semble résumer parfaitement ce que j'aimerais pouvoir faire dans mon prochain film. Name : Shamanic Killer.